Entretien avec le professeur Malek Benakli, président de la Société algérienne d’hématologie

   

 

Le professeur Malek Benakli est président de la Société algérienne d’hématologie (SAHTS). Il travaille au service d'hématologie-greffe de moelle osseuse au CMPC d'Alger. Dans cet entretien, il formule des propositions pour le plan national anti-cancer, actuellement en cours d’élaboration, et demande davantage de moyens aux hôpitaux pour lutter contre cette maladie.

 

 

La SAHTS a initié, depuis une quinzaine d’années, de nombreuses études épidémiologiques. Celles-ci nous permettent d’avoir des données épidémiologiques dans chacun de ces cancers dans la population adulte. Il y a approximativement entre 2000 et 3000 nouveaux cas de cancers hématologiques par an dans notre pays. Ils sont pris en charge dans une quinzaine de services répartis essentiellement au nord du pays.

 

Cette activité a commencé en 1998 au CPMC dans le service du Pr Hamladji. C’est l’un des rares domaines d’activité de greffe qui fonctionne de manière soutenue depuis une quinzaine d’années. Depuis, il n’y a pas d’indication de transfert à l’étranger pour la greffe de moelle osseuse sauf pour les petits enfants qui nécessitent une structure et un équipement adaptés.  Depuis 2 à 3 ans, la greffe de la moelle osseuse est également réalisée à l’EHU d’Oran. Cela reste néanmoins insuffisant. La prise en charge des cancéreux en Algérie n’est pas au niveau souhaité. Pourquoi ? D’abord, il y a une insuffisance de structures. Il y a quelques centres anticancéreux en Algérie et des services dédiés à la prise en charge du cancer dans pratiquement tous les CHU. Sauf qu’ils sont dépassés par le nombre et l’insuffisance de moyens. De nombreux dysfonctionnements se voient à tous les niveaux d’intervention. Pour ces raisons, il y a urgence à élaborer et appliquer un plan anti-cancer .

 

C’est un vieux projet qui date de quelques années et a été réactivé il y a quelques mois. Il a été confié au professeur Zitouni. A ma connaissance, il devait être finalisé fin octobre et remis au président de la République. Je crois que ce n’est pas encore fait. Le plan anti-cancer existe dans de nombreux pays et est revu régulièrement. Les pouvoirs publics y définissent la politique de soins voulue et les moyens devant être utilisés pour atteindre les objectifs. Ils élaborent une stratégie et donnent des orientations pour une période déterminée afin d’aller vers une meilleure prise en charge du cancer à travers tous ses aspects. Tout le monde sait qu’il y a des insuffisances énormes. Je pense qu’il est irresponsable de laisser les malades abandonnés à leur sort, notamment pour ceux qui nécessitent une radiothérapie. Certains vont en Tunisie, en Turquie ou à Blida dans une clinique privée, d’autres ne peuvent aller nulle part.

 

 Quelles sont vos propositions dans le cadre de l’élaboration de ce rapport ?

Tout le monde s’accorde à dire que les capacités actuelles sont dépassées. En hématologie, il y a urgence à créer de nouveaux services dans certains endroits du pays, d’améliorer la disponibilité des moyens diagnostics (anatomopathologie, cytométrie en flux,cytogénétique et biologie moléculaire). Ces derniers permettent des diagnostics plus précis, une meilleure évaluation pronostique, un traitement ciblé et un suivi optimal dans beaucoup de cancers hématologiques. Deuxièmement, il faut une disponibilité pérenne des médicaments et de la radiothérapie, sans rupture, et au niveau national pour garantir l’accès aux soins de manière équitable à tous les Algériens de toute condition. Troisièmement, concrétiser les projets d’autogreffe dans l’ensemble des services d’hématologie et l’allogreffe, au moins dans un service de l’Est du pays (actuellement réalisée uniquement au CPMC et à l’EHU d’Oran). Plus généralement, un organisme (agence ou institut) de suivi du cancer est d’actualité pour tenir un registre national, initier des programmes nationaux de prévention contre les facteurs de risque (tabac, alcool, risques professionnels liés au benzène, amiante et pesticides...), renforcer le dépistage précoce, équiper les CAC en moyens de diagnostic et de traitement, promouvoir la formation complémentaire…

 

L’hématologie est une discipline clinique dont le domaine d’activité est très large et portant sur la prise en charge d’un nombre considérable d’hémopathies malignes (cancers hématologiques) et bénignes. Elle est également biologique, par la force des choses, étant donné que tous les services ont développé des laboratoires annexes dont la vocation principale est le diagnostic. Certains se sont équipés de plateformes de pointe dans le diagnostic cytogénétique et/ou de biologie moléculaire. La plupart sont également pourvus d’appareils de prélèvement de plaquettes sanguines par cytaphérèse, ce qui a permis d’optimiser les traitements anticancéreux. Le champ d’activité s’est élargi à la greffe de moelle osseuse et à la création d’une banque de sang placentaire (fonctionnelle depuis 2009 au CPMC et prochainement à l’EHU d’Oran). Dans la vraie vie, c’est également une discipline dont les capacités en structures d’hospitalisation sont depuis longtemps en deçà des ambitions de mes collègues.

*Source: TSA 26/11/2013