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Les intolérants au gluten  par temps de confinement
La Journée internationale de la Maladie Cœliaque ; le 15 mai, est l’occasion de faire le point sur la façon dont les intolérants au gluten vivent ou ont vécu ce confinement sanitaire, d’autant plus que le seul traitement de la maladie repose sur un régime alimentaire sans gluten (RSG) très strict.
La maladie cœliaque (MC), mieux connue sous l’appellation d’intolérance au gluten, une protéine contenue dans les céréales (blé, orge, seigle…), est une maladie auto-immune, plutôt féminine, où le système immunitaire attaque la paroi de l’intestin grêle induisant des dommages et des troubles de  l’absorption du fer, du calcium, et des vitamines et de multiples autres complications.
L’application de ce régime contraignant demeure toujours difficile en temps ordinaire du fait de l’absence d’un étiquetage obligatoire sur la présence du gluten dans certains pays comme le Maroc (à la différence de la France), alors que ce nutriment est présent dans la plupart de produits très divers (pain, farines, pâtisserie, pâtes, charcuterie…) et souvent insoupçonnés (médicaments, rouge à lèvres, dentifrice, colle, bonbons, sauce à salade, plats cuisinés…). De plus il ya une moindre disponibilité de ces produits sans gluten au Maghreb, en dehors de boutiques spécialisées et de grandes surfaces. Et par temps de pandémie du coronavirus, la recherche épuisante de ces aliments peut se transformer en véritables « chasses » souvent infructueuses.
Un  confinement entre course aux produits de base et solidarité avec les plus démunis
Les malades ne sont malheureusement pas en effet tous logés à la même enseigne au Maroc pour leur approvisionnement en produits sans gluten, qui rappelons le peuvent être jusqu’à dix fois plus chers que les aliments « normaux » ! Les cœliaques vivant dans les grandes villes peuvent bien les trouver effectivement, mais souvent loin de leurs domiciles car ils ne sont pas disponibles dans toutes les surfaces et sont concentrés dans certains magasins spécialisés. L’autorisation de déplacement dérogatoire ne permet pas toujours de circuler jusqu’à ces magasins, alors qu’en plus un prix devenu exorbitant de certains produits,  dans tel ou tel magasin proche, pousse ces mêmes familles à essayer de s’approvisionner à moins cher mais beaucoup plus loin chez des grossistes ou semi-grossistes. Ne parlons pas de ceux qui vivent dans des lieux plus reculés, comme des petites villes ou la campagne, où l’approvisionnement est devenu une « mission impossible ». 
Beaucoup de personnes ont de plus perdu actuellement leur emploi ou bien reçoivent une subvention de l’Etat qui ne  leur permet même pas de couvrir les frais de ces produits. Face à cette situation, l’Association Marocaine des Intolérants et Allergiques au Gluten (AMIAG) s’est mobilisée  pour récolter des fonds, acheter des produits sans gluten  et les distribuer sous forme  de « paniers » alimentaires à une centaine de familles nécessiteuses. D’autres actions sont en préparation. Au total, beaucoup de ces familles espèrent maintenant sortir de ce confinement rapidement car leur situation n’est plus tenable.
Toutes ces familles sont également inquiètes de pouvoir continuer à se nourrir en toute sécurité en cas d’hospitalisation à la suite d’une contamination. Précisons quand même qu’Il n’existe aucun risque augmenté pour les malades cœliaques face au coronavirus.  Les recommandations sont les mêmes que celles délivrées à la population générale.  Concernant les enfants, aucune donnée ne fait craindre une fragilité particulière
Des précisions sur la maladie :
Des manifestations peu claires et déroutantes
Cette affection est difficile à diagnostiquer à cause de ses multiples manifestations. D’une affection de nourrissons et d’enfants en bas âge et dont les signes typiques se limitent à l’appareil digestif (diarrhées, vomissements, état irritable, cassure de la croissance), la maladie cœliaque est devenue  ces dernières décennies une pathologie de l’adolescent et de l’adulte et dont les  manifestations sont très étendues. Des douleurs articulaires, une ostéoporose, des anémies, des fausses couches à répétition, des aphtes buccaux, une dermatite ou même encore des maux de tête, une fatigue chronique, une anxiété, une dépression …constituent le large spectre clinique de la maladie. Elle peut d’ailleurs rester plus ou moins « silencieuse » pendant des années tout en poursuivant un travail de destruction sur l’intestin et d’autres organes.
Un mal trop peu diagnostiqué
De ce fait, la maladie cœliaque chez l’adulte est bien souvent découverte au stade de complications.  On estime d’ailleurs que le délai de sa mise en évidence est de 13 ans et que, pour chaque cas détecté, en particulier chez l’adulte, 8 resteraient ignorés.
Le diagnostic de la maladie cœliaque repose sur la recherche de substances particulières, responsables d’attaques sur l’organisme et appelées auto-anticorps (les anti-transglutaminases) et sur la découverte d’une atrophie des replis de la paroi intestinale (les villosités) après la réalisation d’une biopsie duodénale.
Au Maroc, la maladie cœliaque reste encore peu connue malgré qu’elle atteigne environ 1% de la population. Le Maroc est d’ailleurs parmi les pays les plus touchés par la maladie cœliaque. Une étude effectuée en 1999 par l’OMS avait ainsi montré un taux très élevé  très élevé de 5,6 % de personnes atteintes au sein des populations Sahraouis du sud du Maroc. Il existe aussi une forte prédisposition génétique à la maladie  et  les membres de la même parenté sont touchés dans 10 % des cas.
Vous trouverez en annexe des précisions sur la prédisposition génétique à cette maladie, sa fréquence, son existence même contraire quelque part aux lois de l’évolution de l’espèce humaine et qui en fait un paradoxe immunitaire ainsi qu’une évocation des actions de l’association marocaine des intolérants et allergiques au Gluten (AMIAG).
Casablanca,  le 16 mai 2020
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Mme Jamila Cherif Idrissi
Présidente de l’association marocaine des intolérants et allergiques au gluten (AMIAG)
 
Dr Khadija Moussayer
Présidente de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS),
Vice-présidente de l’AMIAG
 
ANNEXES : 1/ Une prédisposition génétique 2/ Une pathologie fréquente au Maroc 3/ Les paradoxes de l’immunité : Quand l’évolution fait d’un avantage un handicap, 4/ Les actions de l’association marocaine des intolérants et allergiques au Gluten (AMIAG) 5/ Bibliographie 
 
1/ Une prédisposition génétique
La maladie cœliaque est une maladie à forte prédisposition génétique, elle est en relation avec notre carte d’identité biologique : le système HLA (Human leukocyte Antigen) encore appelé complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) un ensemble de molécules situées à la surface des cellules pour permettre au système immunitaire de les reconnaitre. Expliquons ce dispositif.
Il constitue en effet la pierre angulaire du système immunitaire car il est le principal marqueur du « soi » de chaque personne. Ce groupe de molécules constitue l’identité biologique d’un individu, une sorte de code-barres situé à la surface des cellules de notre corps. Chaque cellule (sauf les globules rouges) renferme entre cinq cent mille et un million de molécules de ce complexe dont elle expose à l’extérieur de sa membrane son contenu pour qu’il soit reconnu par les cellules immunitaires comme appartenant à un individu, son  « soi » ou étranger à l’organisme, le « non-soi ».
De façon pratique, si un agent pathogène (virus, bactérie) se glisse dans notre corps et nos cellules, la  lecture du CMH  des cellules par un globule blanc spécifique (le lymphocyte T) permet l’activation de la défense immunitaire et la mobilisation de toute une famille d’autres  globules blancs (des Lymphocytes T différents : des LT cytotoxiques)  qui détruisent les cellules infectées par simple contact et libération de substances toxiques. D’autres types de  lymphocytes T interviennent en cascade, jusqu’à stimuler d’autres types de globules blancs  (les lymphocytes B) qui vont produire des anticorps, des substances qui se fixent spécifiquement sur les agents étrangers facilitant ainsi leur élimination ou bloquant leur action néfaste. A chaque instant, plus de 400 millions de catégories différentes d’anticorps sont ainsi synthétisées à la vitesse de 2000 molécules à la seconde pour chaque globule blanc spécialisé ( des plasmocytes issus d’un lymphocyte B) mobilisé !
Dans le cas de la maladie cœliaque, certains gènes de nos cellules (HLA DQ2 et DQ8) ont une propension à ce que des molécules de gliadine (un ensemble de protéines présentes dans le blé et plusieurs autres céréales) s’accrochent sur eux. D’où chez certaines personnes une réaction auto-immune, c'est-à-dire que les globules blancs considèrent les cellules comportant ce complexe gène-gliadine comme des « ennemis » et les attaquent, provoquant ainsi la maladie cœliaque.
Il faut préciser que la présence de gènes HLA DQ2 et DQ8 chez presque tous les cœliaques est un élément nécessaire mais non suffisant pour développer la maladie, puisque qu’on les retrouve aussi en moyenne dans 35% de la population alors que la maladie n’en touche que 1%.
2/ Une pathologie fréquente
La Maladie Coeliaque connait une forte prévalence –  entre 0,5 et 1 % de la  population - en Europe, en Amérique, au  Maghreb et au  Moyen Orient.  Au Maroc, cette maladie toucherait plus de 1 % de la population, avec certainement des pourcentages beaucoup plus élevés que cette moyenne dans le sud marocain. En effet, une étude ponctuelle menée sur des enfants sahraouis en 1999 sous l’égide de l’OMS, avait révélé une prévalence de 5,6 %, soit le plus haut taux connu au monde.
Plusieurs facteurs pouvaient expliquer cette forte prévalence : une  fréquence élevée dans la population Sahraouie de gènes (HLA DQ2 et/ou DQ8) favorisant la maladie, une forte consanguinité, l’introduction tardive historiquement mais rapide du blé lors de la première année d’enfance et la diminution de l’allaitement maternel. Les difficultés rencontrées à l’époque par ces populations fragilisées par une épidémie d’entéropathies, notamment, ont aussi certainement amplifié le nombre de cas observés chez les enfants. Il n’en reste pas moins que ce taux observé alors démontre une forte susceptibilité à contracter la maladie dans cette région et il serait nécessaire de mener dans tout le sud marocain des études épidémiologiques complémentaires pour mieux appréhender le phénomène.
3/ Les paradoxes de l’immunité : Quand l’évolution fait d’un avantage un handicap
Le risque global de décès pour une personne souffrant de MC est augmenté de 39 % par rapport à la population générale et  le seul remède – la suppression du gluten – n’a été connu que depuis les années 1950. Il aurait été possible alors de penser que le processus évolutif provoquerait  au cours des siècles une forte diminution ou une disparition des individus atteints. Or, il n’en a rien été.
Des chercheurs se sont penchés sur la partie du génome connue pour être associée à la Maladie Cœliaque chez des sahraouis marocains atteints. Trois régions présentaient des signes de sélection positive, c'est-à-dire que le risque de développer la maladie a été favorisé dans ces populations. Il a été montré également qu’un gène présent dans ces zones correspondantes était associé à une réponse immunitaire plus forte. Les Sahraouis prédisposés ou atteints de la pathologie  possèdent donc  une meilleure capacité de réponse aux infections bactériennes.
Cette configuration - la cohabitation d’un risque et d’un atout dans le génotype - a représenté  un avantage de survie très supérieur à l’inconvénient d’une  éventuelle maladie. Ce dernier danger était au demeurant pratiquement inexistant du fait que ces populations ne consommaient pas traditionnellement de gluten avant la colonisation. Elles subissent maintenant de plein fouet ce risque avec les modifications de leurs habitudes alimentaires.
Cela montre bien les difficultés de notre système immunitaire à s’adapter parfois aux modifications de son environnement. Les chemins empruntés par l’espèce humaine dans son évolution sont compliqués et paradoxaux, et parfois de ce fait sources de nouveaux risques pour la santé. Tout changement de notre environnement doit faire l’objet d’une certaine vigilance, en particulier à l’égard des produits chimiques divers qui sont très nombreux à accompagner notre vie quotidienne  mais dont certains sont fortement suspectés actuellement d’être responsables du développement de nombreuses maladies, auto-immunes notamment comme la maladie cœliaque.
 
4/ Les actions de l’association marocaine des intolérants et allergiques au Gluten (AMIAG)
Fondée fin 2012, l’Amiag a su s’imposer rapidement comme l’association nationale de référence pour la maladie cœliaque au Maroc et est reconnue comme telle par ses partenaires à l’étranger. Elle collabore d’ailleurs étroitement avec son homologue française, l’Association Française Des Intolérants Au Gluten (AFDIAG), présidée par Brigitte Jolivet. Mme Jamila Cherif Idrissi est la présidente de l’AMIAG, entourée notamment du Dr Khadija Moussayer, vice-présidente,  Mme Maria Chentouf, vice-présidente et Mme Khadija Bentaleb, Secrétaire générale.
 Comptant près de 1 000 adhérents, elle a mis en place ou organise :
- une permanence téléphonique couvrant tous les jours de la semaine et une permanence effective les samedis matin ;
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- la  journée nationale de la maladie cœliaque chaque année en mai (sauf cette année) avec des conférences pour les malades ;
- des ateliers culinaires mensuels (couronnés épisodiquement de concours de cuisine festifs) ;
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- une grande fête annuelle pour les enfants coeliaques (mélangeant à la fois un spectacle, de la musique, des jeux et des conférences médicales) ;
- des conférences scientifiques, en particulier lors d’événements des professionnels de santé (comme Officine Expo) ;
- des aides alimentaires et des dons de moulins à céréales aux familles les plus pauvres, grâce au concours d’autres associations caritatives et de sponsors divers, lors des manifestations énumérés précédemment.
Au total le bureau de l’association est composé de Mesdames et et Messieurs : CHERIF IDRISSI EL GANOUNI Jamila, CHENTOUF Maria, MOUSSAYER Khadija, BENTALEB Khadija, AIT TAHAR Nadia , AIT BAHA Abdelhafid, MOKHTARI Ilham , AIMARAH Souad, NIHOU Fatima, El KASSY Safia, ABBOUDI Aicha, SADIRI Hamza  et CHAOUKI Imane
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PHOTO : Nadia Moufik, la 1ère présidente
de L'AMIAG
4/ Bibliographie 
- Avis du comité médical AFDIAG sur les risques de contamination par le covid-19  pour les coeliaques
https://www.afdiag.fr/actualites/coronavirus-et-maladie-coeliaque/
 
- Ludvigsson JF, Montgomery SM, Ekbom A, Brandt L and Granath, F : "Small-intestinal histopathology and mortality risk in celiac disease." 2009 - JAMA 302(11) : 1171-1178.
- Catassi C et al. Why is coeliac disease endemic in the people of the Sahara ? Lancet, 1999, 354 : 647–648.
- Zhernakova A et al. Evolutionary and functional analysis of celiac risk loci reveals SH2B3 as a protective factor against bacterial infection. Am J Hum Genet. 2010 ; 86 (6) :970–7.
 
- Moussayer khadija - LES MANIFESTATIONS DE LA MALADIE COELIAQUE - studylibfr
https://studylibfr.com/doc/10024387/les-manifestations-de-la-maladie-coeliaque--par-le-dr-mou
 
- Moussayer khadija Maladie coeliaque une maladie caméléon à large spectre clinique - Studylibfr
https://studylibfr.com/doc/10021763/maladie-coeliaque-une-maladie-cam%C3%A9l%C3%A9on-%C3%A0-large-spectre-cl...
 
- Bilan des actions de l’AMIAG 2013-2016 - Studylibfr
https://studylibfr.com/doc/10024384/association-marocaine-des-intol%C3%A9rants-et-allergiques-au-g...
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  الجمعية المغربية لمرض السيلياك وحساسية 
الغلوتين


 PHOTO : Jamila Cherif Idrissi, présidente actuelle de l'AMIAG (à droite sur la photo), Maria Chentouf,  ancienne présidente de l'AMIAG (à gauche sur la photo)   
 
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