.:Hépatites virales:.
Anomalies biologiques hépatiques chez un sujet asymptomatique
cour hépatologieObjectifs :
– Diagnostiquer une hépatite virale.
– Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du
patient.
– Interpréter des anomalies biologiques hépatiques chez un sujet
asymptomatique.
HÉPATITES VIRALES
A/ Caractéristiques virologiques
1. Virus de l’hépatite A (VHA)
● Le VHA est un virus à ARN, appartenant à la famille des hépatovirus.
● Il contient un ARN simple brin.
● Il n’est pas enveloppé.
● Il résiste un mois à 25 °C et un an à – 20 °C.
● Le VHA n’est pas directement cytopathogène. l Les lésions qu’il induit sont dues à la réponse
immune vis-à-vis des cellules hépatiques infectées.
● Le diagnostic repose sur la détection des anticorps anti-VHA de type IgM. Ces anticorps
apparaissent dès les premiers symptômes.
● La présence d’anticorps anti-VHA de type IgG témoigne d’une infection récente ou ancienne
et protège contre le risque d’hépatite A.
2. Virus de l’hépatite B (VHB)
● Le VHB est un virus hépatotrope à ADN appartenant à la famille des hépadnavirus.
● Le VHB est schématiquement formé d’une capside et d’une enveloppe :
– La capside est essentiellement formée par la protéine AgHBc.
– L’enveloppe porte le motif antigénique AgHBs.
● Le génome est constitué d’ADN, en partie double brin, et code pour quatre gènes appelés S,
C, P et X :
– Le gène S code pour les protéines de l’enveloppe, portant le motif antigénique Hbs.
– La région P code pour l’enzyme ADN-polymérase.
– La région C code pour un polypepside portant les déterminants antigéniques Hbc et Hbe.
● Dans le sérum de sujets infectés, on peut trouver :
– De l’AgHBs.
– De l’AgHBe, forme soluble de l’AgHBc, et dont la présence au cours d’une hépatite chronique
témoigne d’une multiplication virale.
– Les marqueurs sériques de multiplication virale B (au cours d’une hépatite chronique) sont
l’AgHBe et l’ADN viral B.
Caractéristiques virologiques
Type de virus Mode de transmission Élimination Chronicité
A ARN simple brin Féco-orale Selles Jamais
sans enveloppe
E ARN simple brin Féco-orale Selles Jamais
sans enveloppe
B ADN double brin Parentérale Salive, 10 %
circulaire sécrétions
enveloppe sexuelles, larmes,
sueur
D ARN simple brin Parentérale Co-infection < 5 %
défectif Surinfection 90 %
C ARN simple brin Parentérale 60 %
enveloppe
– Il ne présente pas d’effet cytopathogène direct. La lyse des hépatocytes infectés est provoquée
par les lymphocytes T CD8 et par des anticorps dirigés contre un antigène présent à la
surface des hépatocytes infectés. Il existe aussi une lyse cellulaire dépendante des anticorps
(ADCC) AC dirigés contre un antigène spécifique de la membrane de l’hépatocyte.
3. Virus de l’hépatite C (VHC)
● Le VHC est une particule enveloppée proche de la famille des Flavivirus.
● Son génome est constitué d’ARN simple brin.
● Il est cytopathogène, et la réponse immunitaire dirigée contre le VHC semble faible.
● L’étude des séquences nucléotidiques de nombreux isolats de virus C a montré une grande
variabilité du génome. Cette variabilité a conduit au concept de génotypes du virus.
● Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’anticorps anti-VHC par un test ÉLISA.
● La PCR permet d’affirmer l’existence d’une réplication virale.
4. Virus de l’hépatite D (VHD), ou virus delta
● Le VHD est un virus défectif qui dépend du virus B pour sa multiplication.
● Son génome est un ARN circulatoire simple brin, qui code pour une protéine appelée antigène
delta.
● L’ARN et la protéine delta sont contenus dans une enveloppe constituée d’antigène Hbs.
● Les anticorps anti-HBs sont protecteurs contre l’infection par le VHD; ainsi, les immunoglobulines
anti-HBs et la vaccination contre le VHB protègent également contre l’infection
par le virus D.
5. Virus de l’hépatite E
● Le virus de l’hépatite E est un virus à ARN simple brin.
● La contamination se fait par l’ingestion d’aliments souillés par les matières fécales.
● Il existe des épidémies en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud ; elle est exceptionnelle
en France. L’incubation dure de deux à trois semaines.
● Il n’existe aucun risque d’hépatite chronique.
● Le diagnostic repose sur la présence d’anticorps anti-VHE.
● Il n’existe aucun traitement spécifique curatif ni aucune vaccination préventive
Voir tableau I ci-dessous.
B/ Épidémiologie
1. Hépatite A
● Cause la plus fréquente d’hépatite aiguë (> 50 % des cas).
● Transmission entérale : eau ou aliments contaminés par les matières fécales.
● Cas sporadiques ou petites épidémies (une transmission intrafamiliale est fréquente).
● L’infection survient habituellement dans l’enfance ou chez l’adulte jeune.
● La prévalence de l’hépatite A varie selon le niveau d’hygiène du pays :
– La contamination des sujets des pays à haut niveau d’hygiène se fait souvent à l’occasion d’un
voyage à l’étranger.
– Dans les pays en voie de développement, 90 % de la population a été infectée.
– En France, actuellement, la séroprévalence est de moins de 40 % à 30 ans.
2. Hépatite B
● Il existe plusieurs modes de transmission :
– Par transfusion de sang ou de dérivés du sang (rare depuis le dépistage et l’exclusion des
dons AgHBs +).
– Par inoculation « accidentelle » : toxicomanie IV, acupuncture, tatouage, blessure par du
matériel souillé (professions de santé).
– Par contact interindividuel : non sexuel, hétérosexuel et surtout homosexuel.
● Par contamination verticale : de la mère au nouveau-né au moment de l’accouchement ou
après la naissance.
● La prévalence de l’infection par le VHB est très variable suivant les pays :
– Régions hyperendémiques (Asie du Sud-Est, Afrique) : la population entière rencontre le
virus ; environ 10 % de la population sont porteurs chroniques.
– Régions de faible endémie (Europe occidentale, Amérique du Nord) : moins de 10 % de la
population rencontre le virus, le plus souvent entre 15 et 30 ans, à l’occasion d’une toxicomanie
IV ou de rapports sexuels.
3. Hépatite C
● La prévalence, dans les pays occidentaux, se situe entre 0,5 et 1 %.
● Environ 50 % des sujets porteurs du VHC sont atteints d’une infection chronique.
● L’hépatite C est surtout transmise par le sang et par le matériel souillé par du sang contaminé
:
– Elle est très fréquente chez les toxicomanes IV.
– L’hépatite C était l’hépatite post-tranfusionnelle la plus fréquente ; ce mode de contamination
est exceptionnel depuis le dépistage chez les donneurs de sang (1990).
● Les formes sporadiques (contamination inexpliquée) sont également fréquentes.
● La transmission sexuelle ou verticale (mère/nouveau-né) est possible mais rare.
4. Hépatite D
● Il existe deux types de contamination :
– Co-infection avec le virus B.
– Surinfection d’une hépatite chronique B.
● Dans les pays occidentaux, l’infection par le virus D touche surtout les toxicomanes.
5. Hépatite E
● Mode de transmission identique à celui de l’hépatite A (transmission entérale).
● Exceptionnelle en France (concerne essentiellement les voyageurs de retour de pays
d’endémie).
● Véritables épidémies en Afrique, en Asie ou en Amérique du Sud.
● L’évolution est le plus souvent bénigne, mais il existe un risque élevé d’hépatite fulminante
chez la femme enceinte, surtout au troisième trimestre.
C/ Hépatites virales aiguës
1. Diagnostic d’une hépatite virale aiguë
● Il existe différentes formes cliniques :
– Les formes ictériques représentent 10 % des cas.
– Les formes anictériques doivent être recherchées en présence des symptômes suivants :
syndrome grippal, asthénie, troubles digestifs, céphalées, prurit, urticaire, arthralgies…
● Les examens biologiques montrent :
– Une élévation franche des transaminases ; entre 10 et 100 fois la normale.
– Une augmentation ou non de la bilirubine, sous forme conjuguée.
● Le diagnostic repose sur :
– La notion de contage, de facteurs de risques.
– Le dosage des transaminases.
– Les recherches sérologiques :
* IgM anti-VHA.
* AgHBs, IgM anti-HBc.
* Anti-VHC.
● Il faut parfois évoquer une autre cause d’élévation des transaminases :
– Une hépatite médicamenteuse ou toxique (contexte).
– Une hépatite auto-immune.
– Une pathologie biliaire : une migration de calcul dans la voie biliaire principale s’accompagne
d’une élévation transitoire des transaminases, parfois importante.
– Une poussée aiguë d’une hépatite virale chronique méconnue.
● Le pronostic (et donc la surveillance) des hépatites virales aiguës varie selon le virus en cause.
2. Diagnostic étiologique d’une hépatite virale aiguë (voir tableau I)
a) Hépatite aiguë A
– Incubation courte : 2 à 4 semaines.
– Asymptomatique dans 90 % des cas.
– Les formes graves (hépatites fulminantes) sont exceptionnelles.
– Il n’y a jamais d’évolution chronique.
– Le diagnostic repose sur la présence d’anticorps anti-VHA de type IgM.
b) Hépatite aiguë B
– Incubation longue : 6 semaines à 4 mois.
– Asymptomatique dans 90 % des cas.
– Les formes graves représentent 1 cas sur 1 000, soit 1 cas pour 100 hépatites B aiguës symptomatiques.
– L’infection aiguë (symptomatique ou non) devient chronique 1 fois sur 10.
– Le diagnostic repose sur la présence de l’AgHBs et/ou de l’IgM anti-HBc (l’IgM anti-HBc
peut toutefois être positive au cours de la réactivation d’une hépatite B chronique).
– L’hépatite B est une MST ; il faut rechercher systématiquement (après avoir prévenu le
patient) une infection par le VIH et une syphilis.
c) Hépatite aiguë C
– Incubation : 4 à 6 semaines.
– Asymptomatique dans plus de 90 % des cas.
– L’élévation des transaminases est habituellement modérée.
– Le diagnostic repose sur la présence d’anticorps anti-VHC. Cependant, l’apparition de ces
anticorps est souvent tardive (la sérologie n’est positive que dans 50 % des cas d’hépatite
aiguë C). Le diagnostic est alors porté grâce à la PCR.
– Jamais de formes graves.
– Passage à la chronicité dans plus de 50 % des cas.
d) Hépatite aiguë D
– Toujours associée à une hépatite B : l’AgHBs est positif.
– Il s’agit :
* Soit d’une co-infection avec le virus B : les formes graves sont fréquentes, tandis que le
passage à la chronicité est peu fréquent.
* Soit de la surinfection d’une hépatite chronique B : évolution chronique dans 90 % des
cas.
– Le diagnostic repose sur la présence d’antigène delta ou d’anticorps anti-delta.
e) Hépatite aiguë E
– Incubation courte : 2 à 3 semaines.
– Voyageurs de retour de régions d’endémie.
– Ictère fréquent, troubles digestifs.
– Le diagnostic repose sur la présence d’anticorps anti-VHE.
– Habituellement bénigne ; formes graves chez la femme enceinte.
– Jamais chronique.
3. Conduite pratique devant une hépatite virale aiguë
● L’hépatite virale aiguë est le plus souvent bénigne.
● Le risque principal, à la phase aiguë, est celui d’hépatite fulminante.
● Il existe un risque de passage à la chronicité pour les hépatites B (et delta) et C.
– L’hépatite herpétique, cause rare d’hépatite virale, qui doit être suspectée en présence d’une
fièvre associée, nécessite la mise en route en urgence d’un traitement spécifique.
● Tout traitement médicamenteux doit être interrompu sans délai :
– Le métabolisme hépatique des médicaments peut être fortement diminué au cours des
hépatites aiguës, et la toxicité de ces médicaments peut être augmentée.
● Mesures d’hygiène :
– L’objectif est d’éviter la contamination de l’entourage (surtout hépatites A et E dont la transmission
est féco-orale).
● Enquête familiale :
– Dosage des transaminases.
– Recherche des marqueurs sérologiques.
● Précautions vis-à-vis de l’entourage :
– Immunoprophylaxie :
* Hépatite A : injection d’immunoglobulines non spécifiques.
* Hépatite B (et delta) : injection d’immunoglobulines spécifiques anti-HBs.
– Vaccination (hépatites A et B) chez les sujets séronégatifs de l’entourage.
● Surveillance :
– Clinique. Recherche des signes cliniques évoquant une encéphalopathie hépatique : astérixis,
troubles de la conscience.
– Biologique. Mesure du taux de prothrombine (TP), du facteur V.
● Facteurs pronostiques :
– Si TP < 50 %, il s’agit d’une hépatite sévère. Le patient est hospitalisé pour surveillance et
un avis spécialisé est recommandé.
– Si TP < 50 % et astérixis ou troubles de conscience, il s’agit d’une hépatite fulminante, le
patient doit être adressé en urgence en milieu spécialisé (une transplantation hépatique peut
être discutée).
D/ Prévention
● Les hépatites fulminantes dues aux virus A et B peuvent être prévenues.
● La vaccination concerne les hépatites A et B (et delta).
1. Vaccination contre l’hépatite A
● Vaccin = virus A cultivé sur cellules d’origine humaine, purifié et inactivé.
● Induit la production d’anticorps spécifiques anti-VHA chez 99 % des sujets vaccinés.
● Schéma :
– 2 injections à 1 mois d’intervalle.
– Puis rappel 6 à 12 mois après la première injection.
● La vaccination est conseillée chez les voyageurs se rendant dans des zones de forte endémie.
2. Vaccination contre le virus de l’hépatite B
● Vaccin = constitué d’antigène HBs, produit par génie génétique.
● Schéma :
– 3 injections à 1 mois d’intervalle.
– Rappel à 1 an.
– Puis tous les 5 ans.
● Efficacité > 90 % (protection après un délai de 2 mois) ; moindre chez les patients immunodéprimés
(dialysés, cirrhotiques…).
● Tolérance excellente, aucune contre-indication.
● Elle doit être réalisée dans les groupes à risque (en particulier les professions de santé).
● Ce délai d’immunisation est trop tardif dans certaines situations :
– Blessures par du matériel souillé (par virus B ± virus delta), entourage d’un sujet atteint
d’une hépatite B aiguë :
* En cas de contamination récente par du sang infecté par le VHB, il faut demander en
urgence une recherche d’AG HBs et d’AC anti-HBc et réaliser une vaccination contre
l’hépatite B ainsi qu’une administration d’immunoglobulines anti-HBs.
– Nouveau-né de mère AgHBs + (hépatite aiguë ou portage chronique) :
* Vaccination + injection IM d’immunoglobulines spécifiques anti-HBs. ■
POINTS FORTS
● Les virus A et E, transmis par voie féco-orale, sont responsables d’hépatites aiguës
bénignes, exceptionnellement fulminantes. Ils n’entraînent jamais d’hépatite chronique.
● Les virus B, C et D (delta) se transmettent par voie sanguine. L’hépatite B est une
maladie sexuellement transmissible. L’hépatite D est toujours associée à une hépatite
B (co-infection ou surinfection).
● Le diagnostic d’hépatite virale aiguë repose sur la notion de contage, de facteurs de
risque, sur le dosage des transaminases et les recherches sérologiques (IgM anti-
VHA, AgHBs, IgM anti-HBc, anti-VHC).
● L’hépatite aiguë B est asymptomatique dans 90 % des cas. Les formes graves représentent
1 cas sur 1000, soit 1 cas pour 100 hépatites B aiguës symptomatiques.
L’infection aiguë (symptomatique ou non) devient chronique 1 fois sur 10.
● L’hépatite aiguë C est asymptomatique dans plus de 90 % des cas. Le passage à la
chronicité est fréquent.
● Les hépatites dues aux virus A et B (et D) peuvent être prévenues par la vaccination.
● La vaccination contre l’hépatite A est conseillée chez les voyageurs se rendant
dans des zones de forte endémie.
● La vaccination contre le virus de l’hépatite B doit être réalisée chez les groupes à
risque (en particulier les professions de santé).
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